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04/06/2024

C'était donc cela ! Depuis deux - trois semaines, j'étais plus tendue, plus angoissée que d'habitude.

J'aurais dû me douter que cette angoisse était fondée, qu'elle résultait d'un bouleversement intérieur important à prendre en compte avec tendresse et que, dessous, se préparait du fort et beau, par prises de conscience successives avec ajustement de soi tout en finesse. Mais consciemment je me rudoyais quelque peu, me reprochant ma fatigue et ma tendance chronique au spleen.. 

Hier soir, tout s'est posé et apaisé, suite au dialogue avec de jeunes médecins, hommes et femme. Ils ont verbalisé en me regardant bien en face ce que je comprenais sans comprendre, ce que je ne comprenais pas en comprenant. Oedème des chevilles, troubles intestinaux, épisode d'hypertension, palpitations au repos, perte de cheveux, tout ceci concomitant alors que les taux de fer et vitamines et les dosages thyroïdiens sont bons ? L'âge, pas le stress. 

On me dit - et je le vois - que, pour 67 ans, je vais vraiment bien, ai un corps et un visage magnifiquement préservés. Je constate que les détraquements pour le moment ne m'empêchent en rien de vivre très active. Je me sens bien et prends grand plaisir à m'inventer autre dans mes projets, dans mon corps et mon âme, selon l'esthétique et la spiritualité qu'il me revient de faire advenir. Je suis magnifiquement accompagnée pour cela par quelques proches dans ma famille, des amis, des détenus en Maison d'arrêt, des commerçants du quartier, beaucoup de passants en un contact éphémère et pourtant d'éternité, mes médecins, des professionnels de l'esthétique, des livres, la prière. 

 Or, ce que la parole des jeunes médecins m'a donné à comprendre, c'est que, depuis cet hiver, je suis passée du statut, comme on le dit aujourd'hui, de « jeune retraitée » à celui de sujet ou patient « dans le bien vieillir ». 

 Comme pour moi, vieillir est kénose, parcours parabolique, diminution de l'ordre d'une ascension, à la façon du marcheur en montagne qui regarde le chemin jusqu'ici parcouru, avant de passer à la prise de décisions nouvelles que cela implique, selon moi pour moi, selon mon projet de vie, je me retourne brièvement sur ce que je considère avoir été la première étape de mon vieillissement. 

Il me semble avoir su préserver les deux premières années de ma retraite d'une part de ce qui était débile et débilisant dans bien des façons de faire à la mode, d'autre part de la dépression fréquente bien que peu évoquée dans notre société boostée par les images de la silver economy. .

Maintenant je dois passer à une autre façon de vivre, je dois réaménager ce que j'ai mis en place et n'est pas encore caduque mais nécessite un ajustement signalé par mon corps. C'est une deuxième étape, qui sera suivie d'autres étapes si je vis. De cette étape, je n'ai encore jamais entendu parler. J'ai choisi ma stratégie suite à la prise de conscience permise par le dialogue avec les jeunes médecins, donc hier soir. Ce matin elle entre en vigueur. 

Je maintiens mes activités en l'intensité un peu terrible qu'elles ont, avec investissement tout aussi passionné. Mais la durée des moments de l'implication exténuante doivent être moins longs, avec plus de temps de récupération après, non fixés et limités et juste concédés comme jusqu'ici. Il est bon aussi que désormais je m'accorde le droit de tout faire plus lentement, donc plus délicieusement, glissant dans mes journées, mes semaines, mes mois, plus de moments de solo avec soi pour apprendre progressivement le temps ce sera solitude dans un isolement constant, imposé par les circonstances. Je me donne deux ans pour cette vie encore très intense en activités avec, en même temps, retrait progressif, annoncé. 

Je ne déplore pas le fait d'être maintenant dans le « bien vieillir » même si le regard attendri des jeunes me déconcerte. Cette deuxième étape de mon vieillir n'est pas à déplorer mais à vivre. Je ne perdrai pas mon énergie dans la lamentation. C'est, point barre. 

L'énergie ainsi économisée, je la mets d'ores et déjà dans le nouveau projet qu'est le présent neuf pour moi préparant, si je vis, le projet qui suivra deux ans plus tard, projet de plus grand retrait, évidemment à travailler, pour qu'il puisse être de bonheur. Oui, je me jette dans ce qui est et ce qui vient ! Pro-jet !

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