bg

01/12/2023

A l'heure, ou plutôt la minute-même, où j'ai compris que c'en était le moment, j'ai vraiment quitté le métier - étymologiquement "ministère" - que j'avais la chance d'exercer avec passion, alors que je pensais rester en poste pendant deux ou trois ans encore, bénis. 

Est-ce parce que j'ai ainsi joué franc jeu ? Toujours est-il que le métier est revenu à moi, par surprise. 

Et voici qu'entrée en retraite il y a maintenant deux ans, j'enseigne – jusques à quand ? - à temps complet : Maison d'arrêt deux après-midi par semaine, un jour en isolement pour en moyenne cinq détenus rencontrés chacun seul, un jour en classe pour quatre ou cinq détenus rencontrés ensemble ; cours particuliers, pendant les vacances et hors vacances, avec des collégiens ayant entendu parler de moi, avec de jeunes gens en première et terminale m'ayant eue en français ou culture religieuse en 4e, revenus vers moi pour préparation du bac. 

Entrée en retraite, j'enseigne finalement à l'un des postes que je considère comme des plus difficiles. On me confie depuis peu en Maison d'arrêt, ponctuellement, des mineurs, en isolement. Un exercice de funambule. 

Entrée en retraite, j'enseigne dans les conditions idéales du cours seul à seul avec des êtres de fort caractère, souvent de jeunes gens, déjà dans une belle maturité, capables d'analyser le plus que leur donne cette formation pour leur parcours ultérieur, des jeunes bientôt aux commandes qui me disent leur conception du monde, des jeunes qui m'interrogent sur ce que sont pour moi la réussite, l'intelligence, l'amour, des jeunes qui, péremptoires, me disent avec tendresse: «Vous ne mourez pas avant que j'aie mon bac, s'il vous plaît !».

Par hasard. Un rêve...

fleur2