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27/02/2023

Réveil comme toujours peineux mais volontairement tonique, explicitement greffé sur la résurrection christique. 

Premiers gestes, de survie à cause de tout et de rien en mes sombres pensées : J’enfile la jolie tenue d’intérieur, ceint ma tête de la toque impériale pour la prière, me parfume. Je savoure une grande boisson chaude au gingembre. 

Puis, c’est l’immobilité silencieuse rituelle, d’une demi-heure, assise en indien au sol dans la belle lumière. Je ne vise qu’à rassembler mes forces, à cause du rien !,  et demande à la Vie de les soutenir.

Toilette et lait pour le corps, mascara et paillettes. Soins pour l’appartement. Je file. C’est l’élan vers l’extérieur, certes encore précaire, d’autant plus rapide que précaire, justement ! 

Au Mc Do, dans l’accueil bienveillant des jeunettes puis un café que je parfume de thym et bois lentement, accompagné de noix de cajou, je m’affermis. 

Bon pain plus tard. Je reconnais que ma demande du Notre Père matinal a été pleinement honorée, déjà. Je suis encore fatiguée, certes. C’est comme si je roulais avec le frein à main serré. Mais, je le sais, vers midi je serai pleinement moi, en forme. 

Fin de matinée. Visite d’une heure en maison d’arrêt. Un jeune détenu qui ne fait plus confiance à personne me parle, me parle de lui, se demande à haute voix pourquoi il va si loin d’autant plus que je n’encourage pas les confidences, et parle encore, toujours de lui. C’est étonnamment beau.

Vers 15h, moment auprès d’une personne en fin de vie, sédatée. Me voici devant une femme superbe, pourtant très âgée et complètement démunie. Je prévoyais un bref passage. Je reste une demi-heure, en raison de la prégnance de cette rencontre. Car il y en a une, en dépit de tout ! Elle me délivre un enseignement heureux qui était de l’ordre de l’impensable pour moi, mais maintenant m’appartient.   

Dans les couloirs, dialogue fraternel avec une soignante iranienne qui m’a repérée. Elle me prend une seconde dans ses bras. Nous nous séparons dans un rire comme de la lumière. Plus exotique, on ne fait pas ! Magnifique !

20 heures, lecture, en internat, d’une histoire, à des jeunes filles en rupture sociale, à qui, je crois, on n’a pas souvent lu d’histoires avant d’aller dormir, en leur enfance. Elles se sont shootées une heure avant, ce que les éducateurs ne laisseront pas passer. La rencontre prévue est maintenue, puisque je suis là. Complètement évaporées, mais bien conscientes et désireuses d’entendre quand même le récit, elles l’écoutent dans un silence religieux que je prends à tort pour un ensommeillement. C’est fou ! A 66 ans, je me retrouve, acceptée par elles pour qui je suis une aïeule, avec des jeunettes qui ont ″fumé″ et  je leur lis un conte et elles sont preneuses et c’est ″super″ !!! 

Eteignant ma lampe de chevet, entre ce moment où je regarde la journée écoulée, l’embrasse, donc la reprends dans mes bras pour lier la gerbe et la déposer, et le moment où j’entre dans le sanctuaire du sommeil, je me rends compte : ce fut un jour comme tous les autres pour moi, en ce temps de ma retraite, peineux, oui peineux, mais tout compte fait fabuleux ! Reconnaissance, reconnaissance….

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