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03/11/2019

Pour ce qui est de la longévité, au cas où elle serait, pour moi, tout comme pour une mort prématurée, au cas où elle serait, pour moi, j’ai résolument anticipé. On s’est beaucoup moqué de moi mais j’ai maintenu le cap.

C’est équilibrant et cela devient même un plaisir parce que l’appréhension affrontée se dissout toujours et parce que l’énergie ainsi libérée peut s’appliquer à inventer, inventer et inventer encore selon les contraintes. Passionnant !

A quarante ans, j’ai commencé à financer une retraite complémentaire. Il s’avère après coup que c’était, disent les économistes, en ces années-là le moment optimal, non dans l’absolu, mais pour ma génération, ce qui devrait limiter le poids que je ferai peser sur les suivantes. Idem pour la cotisation à cinquante ans dans une mutuelle-dépendance. Les premiers contacts alors avec des maisons de retraite, pour moi un jour, ont poursuivi l’apprivoisement que me furent en de tels lieux bien des rencontres délicieuses, surtout féminines, à l’occasion de mes lectures publiques toutes les six semaines en divers services.

Et pourquoi pas l’Abrapa ? « Déjà ? », dit-on. Ce n’est pas si prématuré : j’ai 62 ans. Le premier contact, franchement bon, m’apporte beaucoup. 1. C’était au départ juste pour, non réservée aux retraités, une aide ponctuelle que je souhaitais - laver les vitres de mon appartement – dans une période où je me retrouvais, de façon imprévisible, avec trop de travail. 2. Or cela m’a permis, plus tard, par ricochet, pour la première fois de ma vie, une semaine de vacances chez moi pour un vrai repos. J’entrevois ce que pourra être mon temps de retraite. 3. J’ai été fortement sécurisée, dans le contact avec les professionnels, quant à l’avenir. 4. J’ai décidé d’ouvrir là un dossier à l’avance, pour le jour où l’âge me contraindrait à ce service et où je freinerais, à cause de l’obligation alors, des quatre fers.

J’ai financé à cinquante ans mes obsèques et rédigé un testament chez un notaire. C’était il y a douze ans, je suis toujours vivante, je n’en suis pas morte plus tôt. Parce que le notaire et moi avons fait preuve d’inventivité généreuse, ce fut un moment d’une rare beauté. J’en garde un souvenir émerveillé, qui me porte utilement dans la gestion sérieuse de mon budget. Il rend l’économie contrainte, certes souple, heureuse, alors qu’elle pourrait être ronchon. En effet, je puis me dire que ce que j’aurai économisé, sans en avoir profité si je meurs avant, sera pour la joie d’autres au-delà de moi.

En la soixantaine, je me suis dit qu’il était temps, de m’occuper, pour l’éviter à ma famille, de la question de mon devenir le jour où je perdrai l’esprit. Pour ne pas peser sur les générations qui suivent – toujours le même désir d’élégance ! -, pour pouvoir aussi regarder chacun, dans ma famille, avec un regard libre, que ne voilera pas intérieurement la pensée : « C’est lui, c’est elle qui décidera pour moi le jour où… » - toujours le même désir de relation forte parce que libre !- , je demande à l’Etat de gérer, lui, le moment venu, mon déclin cognitif le cas échéant. Curatelle, tutelle ? J’accepte par avance et, par là-même !, suis déjà définitivement autonome. Je dis en riant à mon jeune banquier, qui connaît chacune de mes dépenses, à qui je demande souvent conseil et fais part de mes inquiétudes quand il me semble trop dépenser –je suis petite fille d’Ecossais, puritains qui plus est !!! – que, d’ores et déjà, je m’exerce avec lui.

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