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18/08/2019

Je suis à Metz. J’aime cette ville et savoure. Me voici à sept heures pour un temps d’écriture dans une boulangerie, qui sent bon le pain, encore chaud.

Il est là, solaire : grandes miches rondes, bâtards généreux, baguettes de lumière, ficelles pointues, épis en éclats aux côté de petites boules ramassées sur elles-mêmes comme encore endormies.

Il y a cette douceur, en monde clos, protégé, mais aussi le travail dur, un travail noble, un travail encore partiellement manuel, sur et avec du vivant, le levain. Il y a la bienveillance de l’ouvert, mais aussi son incertitude, avec, devant moi, par de-là la baie vitrée, un ciel du nord parcouru de nuages silencieux toujours en mouvement, un soleil déjà automnal sur les façades de pierre dorée, des lauriers encore en fleurs mais déjà fragiles, plus loin encore, les arbres comme indifférents du parc en pente douce.

Les passants vont et viennent, tranquilles en ce dimanche matin. Ils s’attablent pour, en couple ou en solo, un petit déjeuner autre que dans la semaine. Visiblement, il fait événement. Les voir, à leur affaire et pourtant bien en relation avec l’autre, est un vrai plaisir. J’aime !

Une femme s'approche, qui attire plus particulièrement mon attention. Elle est belle. D’âge mûr, un peu voûtée, elle marche lentement, le pas déterminé mais – car ? - un peu difficile. Elle tient avec une certaine souplesse une rose à la main, nue, sans emballage, à l’allemande. C’est une dame, je le pressens. Elle entre.

Je pressens là tout un art de vivre. En son âge, cette femme s’est, en ce dimanche, réveillée tôt. Elle est sortie, seule. Elégance vestimentaire, léger maquillage, regard présent à la vie autour de soi et pourtant concentration, rose, bon pain cherché dans une bonne boulangerie…

Cet art de vivre, c’est beaucoup de courage. Je me lève, vais vers elle et le lui dis. Son visage s’ouvre aussitôt. Il rayonne au mot « courage ». J’ai donc bien compris… Inutile d’en dire plus.

Nous ne nous connaissons pas mais nous sommes ensemble, dans cette relation qui restera de passage, ensemble de plein pied et au cœur de l’être. La vie est là, nos vies sont là, entières en un instant, cet instant d’éternité, saturé de tendresse et de complicité, en même temps que d’altérité. Belle rencontre avec l’âge, en l’âge… Tout est là d’un vieillir en splendeur.

fleur2