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17/07/2023

Tout au fond du tram, un homme stylé – mince, cheveux poivre et sel, costume gris, chemise blanche impeccable,  col ouvert - apostrophe  les passagers, pointe un doigt accusateur, tient de longs discours incohérents. Nous en sommes tous interloqués. 

A la sortie, une femme de ma génération, elle aussi stylée, me regarde de façon appuyée, en faisant la moue. Je lui dis, tranquille et attristée : « Tout ce qui peut nous arriver …. » Elle rectifie aussitôt : « Non, cela ne peut pas nous arriver ! » J’en reste pantoise mais rétorque : « Si, il suffit d’un petit truc qui lâche dans le cerveau une nuit ! » et ris. 

Ses yeux deviennent immenses. Ils sont de l’intérieur comme ouverts par une béance et opacifiés par du vide… compact !!! La femme dit sa peur, ose la dire, ose enfin se la dire. Quelques mots. 

Elle a là le courage d’avoir peur. Elle devient très belle. Je le lui dis. 

La femme écarte cela, qu’elle estime « sans importance ». Je persiste : « Vous êtes belle et même en délire serez/seriez belle. » La femme ne voit pas la chance que c’est, trouve la beauté futile et lui reproche de passer

Mais l’inconnue accepte que je poursuive : « La beauté - notre beauté - est viatique, qui fait passer ». 

Les yeux de la femme à nouveau deviennent immenses,  cette fois- ci  lumineux. Comme nous allons chacune notre chemin, je l’entends encore  dire, détendue : « Alors…. ». 

J’ai aimé ce moment.

fleur2