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20/09/2022

Je marche Place de l’homme de fer à Strasbourg. Mon regard se pose sur le bouquet de roses, couleur fuchsia, d’une jeune fille en conversation avec une camarade. Je dis en passant la beauté de ces fleurs et la beauté de ces jeunes femmes avec ces fleurs. 

Je vais, rapide, mon chemin. Je ressens intensément la chance que j’ai de me mouvoir, ainsi, tranquille et souple dans la foule. Soudain, on me rattrape. 

Ce sont les deux jeunes filles. Celle qui tient les fleurs retire déjà du bouquet, pour me la donner, à moi, inconnue qu’elle ne reverra jamais, une rose altière, tonique, éclatante. La branche est encore intégrée, la structure de l’ensemble reste intacte. J’arrête le geste. 

« Non. Gardez-la. Elle est désormais entre nous. A jamais, il y a nous, nous avec elle qui vous ressemble, dans mon cœur, dans nos cœurs. » Regard radieux de la jeunette, émotion grave de la vieille que je suis maintenant, consciente qu’il vient de se passer de l’impensé impensable, autrement dit quelque chose relevant du miracle. 

C’est comme un écho de l’autre rose, la rose de Rilke à une femme pauvre dans la rue, une femme qu’aujourd’hui nous dirions « sans domicile fixe ». L’homme, l’homme élégant, l’homme raffiné, offrait, à la - selon les normes sociales - ″déchue″, la fleur de l’élection, et ceci en tout bien tout honneur. 

Dans ce que je vivais là, la jeunette, au sommet de sa gloire mais pas du tout imbue de celle-ci, était prête à prélever sur un trésor une part magique, pour me la donner, en tendresse et respect, à moi, femme sur son déclin, d’elle inconnue, dans la rue, femme ne mendiant rien mais secrètement vulnérable comme une découronnée. 

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