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18/09/2023

Un homme, pas riche, est là à la même table que moi en un lieu public. Nous ne pouvons communiquer que par gestes, n'ayant pas langue commune.

Fille de boulanger, elle ne fait pas n’importe quoi, avec la nourriture : c’est bon, sain, en proportion modeste, toujours noble en dépit du budget qui peine. 

 Il recourt cependant à son téléphone portable et parvient, au moyen de sa traduction approximative, à me faire savoir que, biélorusse, il est venu brièvement à Strasbourg pour faire appel à la Cour européenne des Droits de l'homme pour un proche. 

C'est un étranger. Il est là, dans de l'impersonnel. Je prends du pain au maïs prévu pour mon déjeuner avec un expresso et lui demande par signe s'il en accepte. C'est oui, dans un grand sourire. Chacun reste dans ce qu'il faisait, lui ses prises de contact téléphoniques, moi l'écriture, mais il y a le pain commun, tout simple. 

Nous nous séparons quelques instants plus tard. Je reçois le jour dans la parole que me délivre à ce moment-là l'étranger sur son téléphone portable : «  C'était bien de partager votre pain. » Un beau regard soutient cette parole, très direct, d'un bleu que je ne connais pas, moi qui ai les yeux bleus. 

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