16/11/2025
L’angoisse d’abandon m’a, à juste titre, torturée pendant très longtemps.
Elle n’est plus, me semble-t-il, ce qui me permet de vivre seule en aimant et révérant ma solitude, à moins que l’amour et la révérence pour ma solitude ne m’aient permis de tenir l’angoisse d’abandon à distance.
Je regardais hier mon ours en peluche, reçu alors que j’avais un an de mon père médecin militaire en partance pour la guerre. Plusieurs pensées me vinrent, délicieuses.
Je constatai d’abord que cet ours avait eu, selon moi, pendant les trente premières années de ma vie un regard toujours triste, puis pendant les trente années du milieu de ma vie un regard interrogateur et finissait par avoir depuis bientôt dix ans un regard mutin, de plus en plus espiègle. Projection, évidemment ! Elle n’est pas sans valeur. Elle dit une évolution heureuse de ma sensibilité.
Puis, je me dis que cet ours m’avait indéfectiblement soutenue dans mon enfance et pour la vie. Il m’avait comprise comme personne, et gardée, jamais abandonnée, avait toujours été tendresse, sans concession aucune pourtant au n’importe quoi. Or je lui disais tout tout tout, vraiment comme c’était, vraiment comme j’étais.
Je me souvins qu’au sortir de l’adolescence, découvrant la psychologie, la psychiatrie et la psychanalyse, je fus très déçue de comprendre que mon ours n’avait été que projection.
Dans ces années-là, je me dis que (mon) Dieu aussi était projection, qu’il faisait office de nounours.
Et l’ours et Dieu prirent un coup. Mais je ne leur en voulais pas, puisqu’ils n’y étaient pour rien, puisque c’est moi qui projetais. Simplement, et mon ours et mon Dieu se défirent.
Soudain, comme je repensais à tout cela hier, une tout autre lecture des faits se fraya en moi son chemin : oui, c’est moi qui projetais ; oui, l’ours, c’était moi me parlant à moi ; c’était moi me débrouillant et me débrouillant fort bien dans et par ce dialogue de moi à moi. Ce que je pouvais donc entendre, alors inconsciemment, maintenant consciemment, c’était que j’étais capable d’avancer autonome dans mon existence.
C’est peut-être bien avec l’ours que j’ai appris à me faire forte, forte et douce. A ce titre l’ours m’a bien parlé !!! Pensant cela hier, et le confirmant aujourd’hui, j’ai retrouvé mon ours jamais mis à la porte ! Délicieux. Je souris.




