03/11/2025
Tachycardie ; vertiges légers ; tache ici, tache là ; gêne au niveau du flanc droit ; feu dans les jambes.
C’est chaque symptôme par phases, mais tous les jours. Oui, j’ai peur de plein de causes inquiétantes possibles, crains aussi d’être hystérique, ou hypocondriaque, toutes choses que les médecins excluent, pointant vers autre chose, qu’aujourd’hui j’ai pris à bras le corps.
Première étape dans ce processus. Moment détendu, heureux, d’étude biblique avec un proche. Soudain, invisible de l’extérieur, montée en moi d’un début de malaise depuis l’estomac, puis faiblesse comme si j’allais perdre conscience. Durée : deux secondes maximum. Aussitôt, peur d’un problème cardiaque ou cérébral ou ... Je décide cette fois-ci de ne pas lutter contre le symptôme, de me livrer à lui. La vague en moi, par moi agréée, s’incurve, disparaît. Le neuf, ce n’est pas cette disparition, c’est ma façon d’aller avec le malaise naissant, de surfer. Tout de suite, je trouve mon attitude, nouvelle, juste et le voyage, sur la vague, beau !
Deuxième étape. Je file très énervée chez mon médecin généraliste, dis, par delà la honte de l’émotion, et ma lecture des faits, et mon désir, et ma décision, que personne ne pouvait prendre pour moi.
Ma lecture est celle-ci. Tous ces symptômes se relaient par phases et on ne trouve rien de grave. On pourrait continuer les investigations sans fin. Chaque fois que je consulte, cela me rassure mais me fait aussi dépendante et sans soute inconsciemment alimente mon angoisse dans un lien très ancien avec à la fois l’angoisse paternelle, la sévérité paternelle, et mon amour infantile de ce père médecin.
Je voudrais quitter ce cercle dans lequel je m’enferme, à tout symptôme survenant, par mon angoisse, certes pas idiote. Je ne vis pas, ainsi !
Je choisis de ne plus vérifier sans arrêt si le symptôme est grave, de me laisser partir avec lui en surfant, de ne consulter que si les proportions sont bien plus importantes. Je prends, à ne pas réagir tout de suite quand l’un de ces signes apparaît, le risque de passer à côté du début de quelque chose de grave. Mais je préfère cela. C’est plus vivre, c’est plus faire et être ce que j’ai à faire et être que de chercher à tout le temps me rassurer.
Belle écoute respectueuse du médecin, qui me dit que j’ai les clefs. Je le quitte avec cette image, venue à mon esprit dans un rire détendu : tous ces symptômes sont à chaque fois le même dragon au fond de moi qui me montre une autre de ses têtes. Je repense à la frimousse du dragon apprivoisé par un jeune viking dans le film pour enfants que j’ai choisi d’aller voir récemment pour mieux vivre mon anxiété chronique. Cela me plaît.
J’aime ma décision. Je m’aime en cette décision. J’en ai conscience, il me faudra combattre à nouveau et de nouveau à chaque résurgence de chaque symptôme. Mais ma passion pour ma liberté, mon désir de m’ouvrir à l’inconnu et ma volonté de fidélité envers moi-même en mes décisions me soutiendront.
Ecrivant ceci, je revois le médecin pendant l’entretien qui fut de sa part surtout d’écoute distante. Je revois son regard mutin en même temps que perçant, son sourire presque amusé en même temps que grave, très grave. Je parlais parlais parlais, toute véhémente, parce que je m’arrachais à moi-même. Avec ce médecin, j’étais à la fois laissée seule et soutenue. J’ai bataillé et il fallait pour cette étape du travail un témoin. Ce médecin l’a été. J’emporte en viatique le bonheur qui silencieusement pétillait dans ses yeux sombres à mon départ.
J’ai franchi là l’une des portes les plus terribles de mes enfers. Je ne me retournerai pas.




