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Evelyne Frank

02/03/2021

Née dans une famille belle mais terrible, j’ai été dans mon adolescence considérée en son sein comme psychiquement fragile. Les soucis familiaux étant allés croissants, dans une grande violence, j’ai ensuite été très déstabilisée.

En mon entrée en l’âge adulte, un proche, jeune médecin brillant, me traita de schizophrène et me montra par a+b que je l’étais, ce qui était possible en raison de mon enfance difficile. Je crus au diagnostique. Ce fut comme un empoisonnement. Je suis allée jusqu’à Paris pour consulter. J’ai aussi engagé une psychanalyse, en la mouvance lacanienne, pour me prouver que je n’étais pas psychotique.

Je suis allée alors de plus en plus mal, ce qui ne signifie pas que le travail analytique échouait. De douleur, je me mis à flirter avec le Rhin et l’alcool. Je faillis couler. Il n’était plus humainement possible de miser sur moi… Bien des années plus tard, une fois entrée à nouveau en équilibre, à grand prix, j’ai été encore plus considérée comme problématique par les proches, ce que j’ai trouvé très dur à vivre. J’ai fait sécession.

Or voici qu’aujourd’hui, par delà un travail titanesque magnifiquement accompagné par des anges qui se relayèrent, je m’entends me dire à moi-même, tranquille, en contexte pourtant très perturbant : « Je suis tout à fait sûre de mon psychisme ».

Me revient quelques heures plus tard à la mémoire cet épisode de mon existence, 20 ans plus tôt, où un psychanalyste, placé pour l’exposition de sa dernière publication toute une journée par le hasard de la vie à côté de moi lors d’un Salon du livre, revint à moi le lendemain, cette fois-ci accompagné de son épouse, et me dit : « J’ai voulu que ma femme vous voie, vous connaisse. Vous êtes d’une telle vitalité, si saine ! »

J’ai, dans le temps de ma fécondité physique, à juste titre décidé de ne jamais avoir d’enfants pour ne pas leur donner une mauvaise mère. Je ne regrette pas. Je ne suis pas à plaindre : parmi mes filleuls, deux me laissent entendre que je suis une bonne marraine et je pense pouvoir les croire.

Il est bon que le lecteur le sache : il est possible de s’en sortir, il est possible d’en venir à croire en soi, paisiblement.

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